Paul IV, Aloïs Hudal et l’exfiltration des nazis par le Vatican.

Montini en 1960, avant qu’il ne devienne le Pape Paul VI.

Le cardinal Giovanni Battista Montini, futur Paul VI, fut impliqué de façon centrale dans les opérations connues sous le nom de « Ratlines », véritables filières d’exfiltration des criminels de guerre nazis et oustachis vers l’Amérique latine, bénéficiant d’une protection et de complicités à haut niveau, dont l’appui logistique et financier de la CIA après 1945. Cette partie sombre de l’après-guerre fut largement documentée par William Blum dans « Les guerres scélérates » et par Mark Aarons et John Loftus dans « Unholy Trinity ».

Montini et la genèse des Ratlines

Giovanni Battista Montini, alors secrétaire des Affaires extraordinaires au Vatican avant de devenir Paul VI, apparaît à partir de 1945 comme interlocuteur principal des Américains, chef de fait de la logistique Vatican des Ratlines selon Aarons et Loftus. Il travaille en étroite association avec l’archevêque Alois Hudal, responsable du collège germanique Santa Maria dell’Anima, véritable plaque tournante pour l’exfiltration des officiers SS et des dignitaires croates ayant participé aux crimes du régime oustachi. La production et la distribution de faux papiers délivrés par le Vatican permettent à des centaines de fugitifs de franchir les frontières vers la sécurité en Argentine, en Espagne ou au Moyen-Orient

Aloïs Hudal.

Le Vatican, l’anticommunisme et la CIA

Le contexte de guerre froide et d’obsession anticommuniste fut déterminant dans l’engagement du Vatican et de Montini dans le sauvetage des responsables fascistes. Les États-Unis, via la CIA, voient très vite l’intérêt d’exploiter ces réseaux : le recyclage des anciens nazis et oustachis doit servir la constitution de réseaux anticommunistes en Europe, en Amérique du Sud et dans la lutte contre le bloc soviétique. William Blum précise que la CIA finance de multiples couvertures et évite les extraditions vers la Yougoslavie ou l’URSS, estimant que la connaissance des techniques de subversion, de contre-insurrection et le militantisme anticommuniste des réfugiés nazis pourraient être exploités.

édition Française de « Les Guerres scélérates de William Blum « 

Montini, le Vatican et l’Argentine

Juan Perón, alors président de l’Argentine, fut l’allié clé des Ratlines, accueillant personnellement chefs SS, généraux de la Wehrmacht et dignitaires croates sur recommandation du Vatican. Montini négocie cette alliance discrète avec la CIA, qui renforce les passages par des fonds et un appui logistique. Les archives dévoilées par Aarons et Loftus révèlent que Montini approuvait ces mouvements au nom de l’anticommunisme mais aussi avec une dimension de « charité chrétienne » universalisée.

L’ouvrage de Mark Aarons et John Loftus.

Hudal et Vincent La Vista : les organisateurs de l’ombre

L’évêque Alois Hudal fut la cheville ouvrière logistique des Ratlines au sein du Vatican, utilisant son réseau à Santa Maria dell’Anima pour protéger et exfiltrer des dizaines de criminels nazis et oustachis croates. Hudal organisait la délivrance de faux certificats de réfugiés et se servait de la logistique ecclésiastique, mais également des réseaux humanitaires détournés (comme la Croix-Rouge), pour fournir aux fugitifs de quoi fuir vers l’Amérique du Sud ou le Moyen-Orient.

Biographie d’Aloïs Hudal.

C’est dans ce contexte qu’intervient l’agent du Counter Intelligence Corps (CIC) Vincent La Vista, dont le rapport de 1947 éclaire le rôle des membres du Vatican dans l’aide apportée à des milliers de criminels. La Vista documente précise que le Vatican, avec l’approbation de Hudal et d’autres religieux, procurait des faux papiers, des visas et l’assistance matérielle aux individus les plus recherchés, tels qu’Adolf Eichmann, Klaus Barbie ou Ante Pavelić. Le monastère de San Girolamo à Rome devint un hub pour les cadres oustachis, protégés par des voitures diplomatiques et hébergés en toute impunité.

Les rapports du CIC montrent qu’il s’agissait d’une organisation structurée mêlant responsabilité religieuse, logistique internationale et complicité politique à grande échelle ; Loin d’actes isolés, l’exfiltration des criminels nazis fut le fruit d’une coordination entre le Vatican, les diplomates et les agents américains dans l’immédiat après-guerre. Les financements ultérieurs tantôt du Vatican lui-même, tantôt d’organismes américains, et l’impunité fut garantie par l’antagonisme ouest-est dominant dans le climat politico-religieux du début de la guerre froide.

Le bilan historique et moral

Les ouvrages cités démontrent que Paul VI ne fut pas un acteur marginal mais bien un cadre central du dispositif d’exfiltration, opérant avec l’appui des services secrets américains dans une logique de guerre froide. Cette politique se révèle catastrophique pour la mémoire des crimes nazis et de leurs victimes, transformant des monastères en refuges pour bourreaux et conférant à la papauté une responsabilité controversée dans le recyclage politique des anciens collaborateurs du Troisième Reich.

L’analyse de William Blum et de Mark Aarons & John Loftus éclaire la part d’ombre du Vatican et de Paul VI dans un des épisodes les plus troublants du XXe siècle un engrenage où la raison d’État américain, l’anticommunisme occidental et la diplomatie vaticane se conjuguent pour offrir une seconde vie à des criminels de guerre responsables des pires atrocités.

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