La société israélienne NSO Group, tristement célèbre pour son logiciel espion Pegasus, amorce un virage stratégique inattendu. Un consortium d’investisseurs mené par un producteur hollywoodien vient d’acquérir une participation majoritaire dans l’entreprise, tandis qu’un ancien proche de Donald Trump prend les rênes de sa direction. Un tournant qui soulève autant de questions économiques que géopolitiques autour de l’avenir du cyberespionnage étatique.

Selon les informations divulguées par plusieurs médias israéliens et américains, un groupe d’investisseurs privés, emmené par un producteur de cinéma réputé pour ses connexions dans la Silicon Valley, a finalisé le rachat de plus de 50 % des parts de NSO Group.
Ce mouvement intervient après plusieurs années de turbulences pour la société, placée sur liste noire par les États-Unis en 2021 en raison de l’usage abusif de Pegasus contre des journalistes, diplomates et opposants politiques à travers le monde.
Un rachat qui ressemble plus à un blanchiment d’image qu’à une relance économique
Officiellement, cette acquisition vise à donner à NSO les moyens de « se réinventer » en entreprise de cybersécurité responsable.
En réalité, tout indique qu’il s’agit d’une opération de communication soigneusement orchestrée pour restaurer une réputation gravement ternie.
Rappelons que Pegasus a été utilisé par plusieurs régimes autoritaires pour espionner des journalistes, des militants, voire des chefs d’État. L’entreprise, placée sur liste noire par le département du Commerce américain, reste un symbole des dérives du cyberespionnage privé.
Que des investisseurs américains liés à Hollywood — un monde où la narration est reine — rachètent aujourd’hui NSO n’a rien d’anodin. On assiste à une mise en scène de la rédemption : celle d’une entreprise devenue persona non grata, désormais repeinte en acteur vertueux de la « sécurité numérique ».
Mais changer le récit ne change pas la réalité : Pegasus demeure un outil d’intrusion massive, et sa technologie ne disparaîtra pas par magie sous un vernis marketing.

Rappel historique : Pegasus, de la genèse au scandale mondial
2010 : Naissance de Pegasus
NSO Group, fondée en Israël en 2010 par Niv Carmi, Shalev Hulio et Omri Lavie, développe Pegasus, un logiciel espion destiné aux gouvernements pour lutter contre le terrorisme et le crime organisé. L’outil permet d’infiltrer smartphones à distance, souvent sans aucune interaction de la cible (technique dite zero-click).
2016 : Premières révélations publiques
Des chercheurs en cybersécurité et des journalistes commencent à révéler l’existence de Pegasus et ses capacités d’intrusion quasi invisibles. Les premières enquêtes montrent que le logiciel peut accéder aux messages, appels, micro, caméra et géolocalisation des victimes.
2017-2018 : Scandales et utilisations controversées
Des enquêtes montrent que Pegasus a été utilisé par plusieurs régimes autoritaires pour espionner des journalistes, militants des droits humains et opposants politiques dans le monde entier. Des organisations comme Amnesty International et Citizen Lab alertent sur les abus et l’absence de contrôle.
2021 : Le scandale international du Pegasus Project
Une fuite massive de données révèle que des dizaines de milliers de numéros de téléphones dans le monde ont été ciblés par Pegasus, incluant des chefs d’État, des journalistes et des activistes. L’affaire provoque un tollé international et met NSO sur la sellette. Les États-Unis inscrivent NSO sur la liste noire, interdisant l’accès de l’entreprise à la technologie américaine.

Le logiciel a été déployé dans plus de 45 pays, touchant des journalistes, des militants, des diplomates et même des chefs d’État, illustrant l’ampleur mondiale de sa portée. Cette expansion montre que, malgré les scandales et la pression internationale, le cyberespionnage continue de prospérer et de poser des questions fondamentales sur les limites de la surveillance et de l’ingérence étatique.
Le rachat de NSO par des investisseurs américains et la nomination d’un proche de Trump ne changent rien à l’équation : la technologie demeure, le risque reste, et le monde entier observe. Pegasus n’est pas seulement un logiciel : c’est un symbole des dérives du cyberespace et de l’éthique compromise dans la course à l’information et au contrôle.


