Le MI5 a utilisé un réseau pédocriminel pour compromettre la classe politique britannique.

Le scandale de Kincora, à Belfast, est l’un des épisodes les plus ténébreux de l’histoire britannique, révélant l’existence d’un réseau pédocriminel protégé, voire exploité, par les services secrets, et impliquant jusqu’à la haute aristocratie britannique, dont Lord Louis Mountbatten.

Un foyer, des bourreaux, et l’ombre de la royauté

Ouvert en 1958, le foyer pour garçons de Kincora était dirigé par Joseph Mains, Raymond Semple et William McGrath, tous trois condamnés dans les années 1980 pour des abus sexuels systématiques sur des pensionnaires. Mais selon de nombreux survivants et journalistes, ces condamnations n’ont été qu’un écran de fumée masquant l’ampleur du réseau, qui aurait impliqué des personnalités politiques, judiciaires, policières, et même des membres de la famille royale britannique, notamment Lord Mountbatten.

Dès les années 1970, les signalements d’abus affluent, mais la police et les services sociaux ferment les yeux. Les victimes, issues de milieux défavorisés, étaient livrées à des prédateurs bénéficiant d’une impunité totale. Ce silence s’explique en partie par l’intervention du MI5, qui aurait utilisé le foyer comme une source d’informations et un outil de chantage contre l’élite nord-irlandaise et britannique.

Mountbatten : l’accusation explosive

En 2025, le journaliste Chris Moore publie Kincora: Britain’s Shame, qui révèle, témoignages à l’appui, l’implication directe de Lord Mountbatten dans les abus commis à Kincora. Plusieurs anciens pensionnaires, dont Arthur Smyth, affirment avoir été violés par Mountbatten. Smyth raconte avoir reconnu son agresseur en voyant les reportages sur l’assassinat de Mountbatten par l’IRA en 1979. D’autres témoignages corroborent ces accusations, évoquant la présence régulière de Mountbatten au foyer et son rôle dans le réseau pédocriminel.

Mountbatten, mentor du prince Charles et figure centrale de la monarchie, était déjà cité dans d’autres affaires d’abus impliquant des membres de l’establishment britannique. Ces révélations sont d’autant plus explosives que Mountbatten a été tué dans un attentat de l’IRA, ce qui a longtemps éclipsé les accusations portées contre lui.

Le MI5, la compromission et le chantage

Selon Chris Moore et d’anciens agents du renseignement, le MI5 aurait non seulement fermé les yeux sur les abus, mais les aurait instrumentalisés pour collecter des informations compromettantes sur des politiciens, magistrats et hauts fonctionnaires. Des policiers ont secrètement photographié des VIP, dont des membres du MI5, des magistrats, des officiers de police et des hommes d’affaires, visitant Kincora. Ces éléments servaient à alimenter des dossiers de chantage, permettant aux services secrets de contrôler l’élite nord-irlandaise en pleine période des Troubles. William McGrath, l’un des principaux bourreaux, était lui-même un agent du MI5, recruté en raison de ses liens avec les milieux loyalistes. Il aurait été protégé précisément pour son utilité à l’appareil d’État, et non malgré ses crimes. Plusieurs anciens officiers du renseignement, comme Brian Gemmell et Colin Wallace, affirment avoir été empêchés d’enquêter sur Kincora par leur hiérarchie, qui redoutait l’éclatement d’un scandale d’État.

Obstruction et destruction de preuves

Les tentatives pour faire éclater la vérité se sont heurtées à une obstruction systématique : destruction d’archives, blocage des enquêtes, refus de témoigner des agents du MI5. Les commissions d’enquête officielles ont conclu à l’absence de collusion d’État, malgré des preuves accablantes et les témoignages de survivants et de policiers. Des centaines de pages de documents restent classifiées pour des décennies.

L’assassinat de Mountbatten par l’IRA

Le 27 août 1979, Lord Mountbatten est tué dans un attentat à la bombe revendiqué par l’IRA. Pour beaucoup, cet assassinat visait une figure de l’establishment britannique, symbole de l’oppression en Irlande du Nord. Mais pour certains survivants de Kincora, la mort de Mountbatten a aussi signifié la fin d’un calvaire, et la révélation de son identité comme agresseur. L’onde de choc de sa mort a longtemps occulté les accusations, mais les témoignages et enquêtes récentes ont remis en lumière son rôle dans le scandale.

Une affaire d’État, toujours étouffée

Kincora reste le symbole de la capacité de l’État à sacrifier des enfants vulnérables pour préserver ses intérêts stratégiques. Le MI5 aurait utilisé le réseau pédocriminel pour faire chanter et contrôler la classe politique, tandis que la justice et la police étaient muselées. Les révélations sur Mountbatten, désormais étayées par des témoignages directs et des enquêtes journalistiques, montrent que l’affaire dépasse de loin le cadre d’un simple scandale local : elle met en cause le cœur même de l’establishment britannique et son rapport à la vérité et à la justice.

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