Les USA ont testé le bombardement au napalm à Royan en avril 1945.

L’emploi du napalm à Royan en avril 1945 constitue un épisode marquant de la fin de la Seconde Guerre mondiale en France, tant par sa violence que par son caractère expérimental et controversé. Ce bombardement, auquel participa le futur historien américain Howard Zinn, est devenu emblématique des dérives de la guerre moderne et de la déshumanisation du conflit.

Le contexte militaire et l’opération sur Royan

En janvier 1945, la ville de Royan est encerclée dans ce qu’on appelle la « poche de Royan », dernier bastion allemand sur la côte atlantique française. Après un premier bombardement massif par la Royal Air Force le 5 janvier, qui détruit 85% du centre-ville et cause la mort de plus de 440 civils français et 47 soldats allemands, la ville reste aux mains de l’ennemi.Malgré la violence de cette attaque, les fortifications allemandes, situées en périphérie, demeurent intactes.

Au printemps, l’état-major allié décide de lancer une opération décisive, baptisée « Vénérable », pour liquider la poche. Les 14 et 15 avril 1945, une force aérienne impressionnante — plus de 1 350 bombardiers — pilonne Royan et ses environs. C’est au cours de ces raids qu’est employé, pour la première fois en Europe à une telle échelle, le napalm, un mélange d’essence gélifiée hautement inflammable. Au total, 725 000 litres de napalm sont largués sur la ville et ses abords.

Le napalm : arme nouvelle, destruction totale

Le napalm, déjà expérimenté à petite échelle lors du bombardement de Cézembre en août 1944, est utilisé ici de manière massive. Cette arme, conçue pour provoquer des incendies incontrôlables, cause des ravages inédits : les flammes se propagent rapidement, détruisant tout sur leur passage, rendant la ville inhabitable et provoquant des souffrances atroces parmi les victimes.

Les justifications officielles avancent la nécessité de neutraliser les dernières poches de résistance allemande et de faciliter la libération de la région par les troupes françaises. Mais les historiens, dont Howard Zinn, soulignent que la majorité des forces allemandes étaient retranchées en périphérie et que la précision des bombardements à haute altitude était très faible, rendant l’attaque sur le centre-ville largement inefficace d’un point de vue strictement militaire.

Howard Zinn : du bombardier au témoin critique

Howard Zinn, alors jeune lieutenant bombardier dans l’US Air Force, participe directement à l’opération d’avril 1945. Il largue des bombes, dont du napalm, sur Royan, sans avoir pleinement conscience, sur le moment, de la nature de l’arme ni de l’ampleur de la tragédie humaine qui se déroule sous ses yeux. Ce n’est que plus tard, en découvrant la réalité des destructions et en réfléchissant à la portée de ses actes, qu’il développe une profonde remise en question.

Dans ses témoignages et écrits ultérieurs, Zinn décrit avec lucidité la distance morale et psychologique qui sépare le bombardier du théâtre de la guerre :

« Je me souviens parfaitement d’avoir vu, du haut du ciel, les bombes exploser dans la ville, s’embrasant telles des allumettes dans le brouillard. J’étais totalement inconscient de la tragédie humaine qui se déroulait en bas. »

Il souligne l’inhumanité de la guerre moderne, où le tueur ne connaît pas la victime, ne la voit pas, ne l’entend pas. Pour Zinn, Royan devient le symbole d’une violence gratuite, d’autant plus insupportable que la guerre touche à sa fin et que l’efficacité militaire de l’opération est contestable.

Une opération expérimentale et inutile ?

Zinn, devenu historien et militant pacifiste, n’aura de cesse de dénoncer l’emploi du napalm à Royan comme une expérimentation sur le terrain, plus motivée par la volonté de tester une nouvelle arme que par une nécessité stratégique réelle. Il réfute les justifications officielles en rappelant que les objectifs militaires n’ont pas été atteints et que les pertes civiles ont été considérables. Les archives et témoignages convergent aujourd’hui pour qualifier l’opération d’inutile et tragique : la destruction de Royan n’a pas accéléré la reddition allemande, mais a au contraire causé des souffrances inutiles à la population civile, déjà éprouvée par des mois de siège et de privations.

Héritage et mémoire

Le bombardement de Royan, et l’emploi du napalm en particulier, sont longtemps restés dans l’ombre, occultés par la mémoire officielle de la Libération. Ce n’est que grâce à des témoins comme Howard Zinn que la réalité de l’événement a été progressivement reconnue et débattue publiquement. Zinn, hanté toute sa vie par ce souvenir, a contribué à faire de Royan un cas d’école dans la réflexion sur la guerre, la responsabilité individuelle et la nécessité de remettre en question les ordres et la logique militaire.

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