Claude Estier était un agent d’influence soviétique.

Claude Estier.

Claude Estier, journaliste puis figure politique majeure du Parti socialiste français, a vu son nom apparaître à plusieurs reprises dans les archives du KGB transmises par le transfuge soviétique Vassili Mitrokhine. Ces archives base de l’enquête dite Mitrokhine, publiées dans les années 1990 et 2000 lèvent le voile sur la pénétration de la société française par les services soviétiques et leurs relais du bloc de l’Est pendant la Guerre froide. Ces documents, bien qu’ils aient exigé de la prudence quant à leur interprétation, mentionnent Estier comme un « agent d’influence », à la frontière floue entre proximité idéologique assumée et collaboration active.

Selon les archives, Claude Estier, élu député en 1967 et proche de François Mitterrand, aurait été dès 1956 une « source importante » pour les Soviétiques sous les noms de code « Gilbert » puis « Giles ». D’après l’enquête Mitrokhine, il aurait d’abord été recruté en 1955 par les services tchécoslovaques (StB) sous le nom « Roter », avant de passer « sous gestion » du KGB, celui-ci réclamant toujours la priorité sur les recrues jugées précieuses. En 1981, un agent traité du KGB affirme être informé par Estier, alias « Giles », sur « l’entourage immédiat de Mitterrand ».

François Mitterrand et Claude Estier.

Estier niera toujours avoir franchi la ligne entre affinité idéologique et collaboration efficace, arguant simplement de partager le « neutralisme », ce courant prôné par Moscou car il affaiblirait le camp occidental. Néanmoins, la diversité des missions attribuées selon Mitrokhine est frappante : outre le KGB, Estier informa durant les années 1980 la Securitate roumaine sur les projets français de bombe à neutrons sous l’alias « Stanica », selon L’Express. Il sera, pour la Résidence du KGB à Paris, une source durable au cœur de l’État socialiste français sur plusieurs décennies.

En filigrane, l’affaire Claude Estier illustre un aspect plus général du travail soviétique en France. Les archives Mitrokhine détaillent la stratégie de « manipulation, désinformation et pénétration » de la vie publique française : haute administration, classe politique, presse et milieux intellectuels étaient systématiquement visées par des agents rémunérés, des relais médiatiques et des pressions occultes, l’objectif étant d’orienter l’opinion et d’influencer les politiques nationales en faveur de l’URSS.

La question de l’influence étrangère sur la classe politique française, soulevée à l’époque dans le sillage de la Guerre froide, trouve aujourd’hui un écho renouvelé. L’entrisme ne disparaît jamais tout à fait : si l’idéologie a pu muter, les méthodes subsistent. Des commissions d’enquête parlementaires et des journalistes tirent la sonnette d’alarme sur le jeu d’influences d’États étrangers dans les partis, les think-tanks et les sphères universitaires. La République islamique d’Iran, mais aussi d’autres puissances régionales, serait à l’œuvre, via des relais associatifs, politiques ou de financement discret, pour faire avancer leurs intérêts en France.

Le directeur d’Elnet en discussion avec un ancien directeur pour l’Europe de l’Atlantic Council.

Cet enracinement étranger contemporain prend également la forme de think-tanks financés par des puissances extra-européennes, comme l’Atlantic Council (principalement financé par des acteurs américains ou alliés) ou Elnet (proche des intérêts israéliens). Quoique ces structures ne manipulent pas l’infiltration secrète propre au KGB des années 1950-1980, elles influencent le débat public et les choix stratégiques en France par le financement d’études, l’organisation de conférences, ou la mise en réseau de décideurs politiques, économiques et sécuritaires français.

L’ Atlantic Council .

En conclusion, l’histoire de Claude Estier, s’il faut toujours garder à l’esprit la prudence historique, rappelle la perméabilité de la sphère politique française à l’action coordonnée de puissances étrangères, qu’elle prend la forme de captation idéologique, de renseignements ou d’influence intellectuelle. Les méthodes évoluent, mais l’enjeu stratégique demeure : ici le KGB et ses agents, aujourd’hui de nouveaux acteurs et nouveaux circuits de financement. Cette réalité impose une vigilance continue sur l’origine réelle de certains courants d’idées, réseaux de décision et outils de soft power opérant à Paris comme à Bruxelles.

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