
Le discours d’Emmanuel Macron à la veille du 14 juillet 2025 a résonné comme un appel au « réarmement » de la nation. En présentant une hausse du budget des armées à 64 milliards d’euros pour 2027, il a insisté sur l’aggravation des menaces extérieures et la nécessité de bâtir une armée puissante, « crainte » à l’international. Macron n’a pas hésité à parler d’« effort historique » : le budget de la défense, qui avait doublé depuis 2017, s’apprête encore à augmenter de plusieurs milliards d’euros.
Pour les observateurs attentifs, cependant, ces annonces ne sont qu’une mise en bouche. Car depuis le dernier sommet de l’OTAN, un tout autre engagement pèse sur la France : consacrer 5% de son PIB annuel à la défense et à la sécurité d’ici 2035.
Un nouveau cap historique fixé par l’OTAN sous l’impulsion de Trump
Sous la pression de Donald Trump revenu à la Maison-Blanche, les membres de l’OTAN ont accepté de revoir à la hausse leurs ambitions budgétaires. L’objectif collectif est clair : 5% du PIB en dépenses de défense et de sécurité d’ici à 2035, dont 3,5% pour les dépenses militaires pures et 1,5% pour les volets de sécurité élargie (cybersécurité, infrastructures, forces de l’ordre).
Ce seuil de 5% est d’autant plus saisissant que, pour la France, il représente une rupture majeure avec la trajectoire budgétaire récente. En 2025, les dépenses de défense françaises s’élèvent à 59,9 milliards d’euros, soit environ 2,03% du PIB. Atteindre 5%, c’est faire un bond considérable, imposant des sacrifices et des arbitrages budgétaires drastiques.

Calcul : l’effort budgétaire requis pour la France
Reprenons les chiffres clefs :
- PIB de la France en 2025 (estimation) : 2 800 milliards d’euros
- Budget de la défense 2025 : 59,9 milliards d’euros (2,03% du PIB)
- Objectif OTAN 2035 : 5% du PIB, soit 140 milliards d’euros annuels
L’engagement OTAN demande donc à la France de mobiliser 80,1 milliards d’euros de plus par an d’ici 2035, soit plus du double du budget actuel. Cet effort colossal représente la plus grande augmentation de dépenses militaires en temps de paix depuis l’après-guerre.
Cette trajectoire, dictée par les exigences américaines, infléchit la souveraineté budgétaire française
La décision de Trump de conditionner la garantie de défense américaine à ce relèvement budgétaire a été déterminante. Faute d’accepter ces nouveaux standards, la France et ses partenaires européens s’exposaient à un retrait de la protection américaine. Ce rapport de force, inédit, fait voler en éclats la souveraineté de programmation budgétaire française.
L’augmentation exponentielle des dépenses militaires va nécessairement conduire à des coupes ailleurs : services publics, dépenses sociales, investissement civil.
L’Europe tente de s’affirmer, mais l’industrie américaine rafle la mise
Face à ce nouveau cap, le Commissaire européen à la Défense a récemment annoncé l’intention de l’Union européenne d’investir massivement dans une défense aérienne commune. Le projet emblématique : acquérir un système de défense antiaérienne de type Patriot, conçu par Raytheon (groupe RTX), pilier de l’industrie militaro-industrielle américaine.
Ce choix illustre parfaitement la dépendance technologique persistante de l’Europe vis-à-vis des États-Unis :
- Le système Patriot équipe déjà 19 pays, dont l’Allemagne.
- Son coût est vertigineux : plus d’1 milliard de dollars par batterie, 4 millions par missile.
- L’essentiel du savoir-faire, de la propriété intellectuelle et des chaînes d’approvisionnement profitent à l’industrie américaine, et non au tissu industriel européen.
En renforçant l’intégration technologique autour du Patriot, l’Europe se prive durablement d’une montée en gamme souveraine de son industrie de défense, à rebours des discours sur l’autonomie stratégique.
Les annonces récentes d’Emmanuel Macron sur le budget de l’Armée, impressionnantes en apparence, ne sont qu’un avant-goût de l’effort colossal imposé à la France par le nouveau cap fixé à l’OTAN. Atteindre 5 % du PIB consacré à la défense signifie, pour la France, mobiliser plus de 80 milliards d’euros supplémentaires chaque année d’ici 2035 : un défi sans précédent, guidé par la pression américaine et inévitablement lourd de conséquences pour l’équilibre des finances publiques.
Dans le même temps, la réorientation des investissements européens vers des technologies américaines, avec le Patriot en vitrine, laisse présager que cet « effort historique » bénéficiera en premier lieu au complexe militaro-industriel des États-Unis, perpétuant l’asymétrie du partenariat transatlantique et fragilisant les ambitions européennes d’autonomie stratégique.