Gladio, le Super Sismi et la stratégie de la tension.

Le Super Sismi, en lien avec le réseau Gladio et la CIA, a joué un rôle central dans la période dite des « années de plomb » en Italie (fin des années 1960 – début des années 1980), une époque marquée par des violences politiques extrêmes, des attentats terroristes et une intense instabilité. Gladio était une structure clandestine organisée sous l’égide de la CIA, du MI6 britannique et de l’OTAN, destinée à constituer une force de résistance en cas d’invasion soviétique. Cependant, ses ramifications en Italie s’étendent au-delà d’une simple préparation militaire, impliquant des opérations secrètes internes.

Le SISMI (Servizio per le Informazioni e la Sicurezza Militare), les services secrets militaires italiens, avaient en leur sein une unité surnommée « Super Sismi », composée d’environ 800 hommes chargés d’ « intervention intérieure », c’est-à-dire d’actions contre des cibles politiques nationales. Cette spécialisation interne devait répondre à la menace communiste montante, notamment en incluant le Parti communiste italien (PCI) d’accéder au pouvoir. Le Super Sismi apparaissait donc comme une force clandestine anti-communiste active dans un climat tendu, liée à Gladio et assistée par la CIA.

Durant les années de plomb, une période marquée par plus de 600 attentats entre 1969 et 1980, la violence politique en Italie a été dramatique : 362 morts et plus de 170 blessés. Ces attentats, souvent attribués à l’extrême gauche, comme les Brigades Rouges – militants communistes armés –, comprenaient des assassinats, des enlèvements (notamment celui d’Aldo Moro, dirigeant populaire de la Démocratie chrétienne, enlevé et assassiné en 1978 par les Brigades Rouges). Toutefois, il existe une controverse majeure autour de certains attentats qui auraient en réalité été des actions sous faux drapeau, perpétrées par des groupes d’extrême droite ou orchestrées via les réseaux Gladio avec l’appui ou la complicité de la CIA, dans le cadre d’une « stratégie de la tension ».

Attentat Gare de Bologne.

Cette « stratégie de la tension » visait à manipuler l’opinion publique en créant un climat de peur et d’insécurité, avec des attentats qui étaient ensuite attribués aux forces de gauche radicale. Ceci servait à justifier des mesures répressives et à empêcher l’émergence de gouvernements communistes ou socialistes. La loge maçonnique P2, dirigée par Licio Gelli, a également été incriminée pour son rôle dans cette dynamique de manipulation et de contrôle politique. Le but était d’écarter le PCI et, dans une moindre mesure, le PSI (Parti socialiste italien) du pouvoir exécutif, souvent lors de campagnes électorales volées par la peur et la violence induite.

Les enquêtes judiciaires ont souvent rencontré des obstructions, mais des témoignages, comme ceux du général Gianadelio Maletti (ancien chef des services italiens), et du général Nino Lugarese (chef du SISMI de 1981 à 1984), ont suggéré que la CIA pourrait favoriser préférentiellement le terrorisme en Italie pour ses objectifs géopolitiques. Le « Super Gladio », unité clandestine de plusieurs centaines d’hommes, intervenait dans ce cadre, de même que la CIA manipulait parfois des groupes comme les Brigades Rouges pour servir des intérêts stratégiques, par exemple dans l’enlèvement d’Aldo Moro, selon des témoignages diffusés dans le documentaire Les Derniers Jours d’Aldo Moro (2006).

Aldo Moro.

Un exemple emblématique de cette manipulation est l’attentat de la piazza Fontana en 1969 à Milan, qui a fait 17 morts. Initialement attribué à l’extrême gauche, il a en réalité été perpétré par des néo-fascistes liés à des groupes d’extrême droite, mais la confusion servit à renforcer la peur envers la gauche radicale. L’anarchiste Giuseppe Pinelli, accusé de délit, mourut défenestré lors de sa détention par la police. Plusieurs néo-fascistes estiment que cette attaque visait à justifier un état d’urgence et à empêcher toute ouverture politique à gauche.

Attentat de la Piazza Fontana.

Gladio et le Super Sismi, donc, sont au centre d’un système complexe mêlant forces secrètes, agences étrangères comme la CIA, groupes extrémistes, et éléments de l’appareil d’État, qui a laissé l’Italie des années de plomb dans une crise politique profonde, marquée par le terrorisme d’État, la manipulation politique et des opérations clandestines ayant parfois recours à la violence sous faux drapeau.

En résumé :

  • Gladio est un réseau clandestin mis en place sous contrôle anglo-américain (CIA, MI6, OTAN) pour résister à une invasion soviétique et contrôler politiquement l’Italie.
  • Le SISMI intègre un « Super Sismi », unité secrète d’environ 800 hommes dédiée aux opérations anti-communistes internes.
  • Durant les années de plomb (1969-1980), plus de 600 attentats violents font plusieurs centaines de morts, certains étant le fait de groupes d’extrême droite liés à Gladio et la CIA, servant une stratégie de la tension.
  • Les Brigades Rouges communistes, bien que responsables de violences, ont parfois été manipulées ou utilisées dans des opérations occultes.
  • La loge maçonnique P2 appuyait cette stratégie avec l’objectif d’empêcher la gauche d’accéder au pouvoir.
  • L’enlèvement et l’assassinat d’Aldo Moro, dirigeant DC, est un épisode où manipulation, terrorisme et luttes de pouvoir s’entremêlent, avec des implications pour Gladio et la CIA selon certains témoignages.
  • L’attentat de la place Fontana montre bien la violence sous faux drapeau attribué à un tort à la gauche radicale et à un usage politique de la terreur.
  • Ces révélations ont suscité un immense scandale en Italie et en Europe, avec des condamnations parlementaires, mais de nombreux aspects restent encore partiellement élucidés.

Cette page sombre de l’histoire italienne montre comment la guerre froide s’est traduite en une guerre intérieure secrète, où la CIA et Gladio, via le Super Sismi, ont contribué à un climat politique d’instabilité, de violence et de manipulation, notamment par des attentats sous faux drapeaux attribués à des groupes comme les Brigades Rouges.

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