
José Manuel Durão Barroso, né en 1956 à Lisbonne, incarne un parcours politique singulier, traversé par d’importants changements idéologiques et un engagement international marqué.
Une jeunesse militante à l’extrême gauche
Issu d’une famille divisée entre monarchisme et républicanisme, Barroso n’a pas hérité d’une tradition politique univoque. Sa formation commence au cœur de la révolution des Œillets en 1974, alors que le Portugal bascule hors de la dictature. Très jeune, il s’engage dans la mouvance gauchiste , et son militantisme s’exprime particulièrement au sein du MRPP, le Mouvement Révolutionnaire du Parti du Prolétariat, organisation maoïste souvent classée à l’extrême gauche radicale, dont certains courants flirtaient avec le trotskysme et le maoïsme. Des témoins comme Fernando Rosas, fondateur du MRPP, se souviennent d’un Barroso impliqué et ardent militant dans son opposition à la dictature.
Cette période fait de lui l’un des étudiants les plus actifs de la faculté de droit : il incarne alors l’engagement révolutionnaire d’une jeunesse avide de changement. Pourtant, cet épisode de sa vie et ses sympathies pour les causes maoïstes et trotskystes disparaîtra progressivement de ses biographies officielles.
De l’extrême gauche à la diplomatie occidentale
Dès la fin des années 1970, Barroso opère un virage idéologique majeur. Il fonde en 1979 l’Association universitaire d’études européennes et se rapproche petit à petit du Parti social-démocrate portugais (centre-droit). Ce passage illustre un pragmatisme politique, loin du dogmatisme militant de ses débuts.
L’influence américaine : Georgetown et Franck Carlucci

Barroso poursuit sa formation à l’Institut universitaire d’études européennes de Genève, mais le moment clé de son insertion dans l’élite internationale survient à la Georgetown University, à Washington DC. Georgetown, réputé pour son rôle de vivier de cadres dans la diplomatie et la sécurité américaine, a profondément marqué Barroso. Sa présence à Georgetown est facilitée et remarquée par Franck Carlucci, alors ambassadeur des États-Unis au Portugal (1974-1977). Carlucci, personnage influent, futur directeur adjoint de la CIA et secrétaire à la Défense sous Reagan, est souvent cité comme « recruteur » de talents susceptibles de servir les intérêts occidentaux. Barroso profite ainsi du soutien américain-atlantiste dès ses débuts dans la diplomatie, ce qui façonne durablement son parcours.
Carlucci, maître en réseaux politico-économiques plus tard président du fonds américain Carlyle introduit Barroso dans un monde où la politique est double de l’influence économique et géostratégique. Aux États-Unis, Barroso parfait son anglais, s’imprègne des modes de gouvernance américains et noue les contacts qui feront de lui un rouage essentiel du dialogue transatlantique.

D’un militantisme révolutionnaire à la gouvernance internationale
Cet ancrage atlantiste, plus que le simple passage d’un courant idéologique à l’autre, permet à Barroso de s’intégrer dans les sphères du pouvoir européen. À partir de 2002, il devient Premier ministre portugais, puis, en 2004, président de la Commission européenne, poste qu’il occupe pendant dix ans, jusqu’en 2014.
Son mandat est marqué par l’alignement du Portugal et de l’Union européenne sur les décisions américaines majeures, notamment lors de la guerre en Irak. Il affiche ouvertement sa sympathie pour les positions des États-Unis, se rangeant aux côtés de Bush et Blair.
Poste actuel et question de la proximité avec les États-Unis
À la date d’août 2025, Barroso dirige l’Alliance du Vaccin (GAVI), organisation internationale de santé. Il assume également des responsabilités dans la banque américaine Goldman Sachs, ce qui lui vaut de nombreuses critiques en Europe. Barroso défend ouvertement à proximité avec le modèle américain, arguant d’une incompréhension européenne vis-à-vis de la finance et de l’innovation des États-Unis.
Son parcours, jalonné de passages dans des institutions américaines, de contacts étroits avec des figures de Washington, et de choix politiques favorables à l’axe transatlantique, posent clairement la question de sa « proximité » structurelle avec les intérêts américains. S’agit-il d’un alignement pragmatique dicté par la mondialisation ? Ou d’une conversion idéologique profonde ? Barroso incarne à la fois la transformation d’une jeunesse révolutionnaire en homme d’État libéral et le passage du militantisme anticapitaliste à la gouvernance infusée par les pratiques anglo-saxonnes. Son parcours questionne ainsi sur l’influence, parfois discrète, mais persistante, des États-Unis dans la formation des élites européennes.