
La relation entre la Central Intelligence Agency (CIA) et l’Université de Georgetown est une alliance stratégique mêlant formation, expertise et parfois controverses. Ce lien institutionnel, qui fascine autant qu’il interroge, est incarné par des figures majeures comme Douglas London et Scott Modell, anciens officiers de la CIA devenus professeurs à Georgetown. Leur parcours éclaire à la fois la nature profonde de cet échange entre monde du renseignement et monde académique — et soulève la question de la diversification géographique des acteurs formés dans cette institution, notamment avec l’arrivée de Français comme Benjamin Haddad ou Rokaya Diallo.
Douglas London : un vétéran du renseignement devenu professeur
Douglas London incarne avec éclat la transition du terrain clandestin à la salle de classe. Avant de devenir professeur adjoint à la Walsh School of Foreign Service de Georgetown, Londres, a servi 34 ans au sein du Service clandestin de la CIA. Son parcours intense inclut des missions dans des régions-clés telles que le Moyen-Orient, l’Asie du Sud, l’Afrique et les anciennes républiques soviétiques. Il a notamment occupé plusieurs postes de Chef de station et a dirigé des opérations de lutte contre le terrorisme dans des zones particulièrement sensibles.
Son expérience sur le terrain est une véritable mine d’or pour ses étudiants, apportant un regard authentique sur l’art du « case Officer », chargé de recruter et de gérer des agents à l’étranger. Dans son livre
The Recruiter: Spying and the Lost Art of American Intelligence, London partage ces réalités complexes du métier d’espionnage, loin des clichés hollywoodiens, tout en soulignant les enjeux stratégiques et personnels graves faisant face aux agents.

Avant sa carrière à la CIA, Douglas London a connu un parcours singulier : après une période d’hésitation à l’université, il s’engage dans le Corps des Marines avant de revenir aux études et de se passionner pour les affaires étrangères au début des années 1980, alors que la Guerre froide battait son plein. C’est par l’intervention d’un mentor, un ancien diplomate devenu professeur, que Londres fut introduite à la CIA, illustrant une chaîne de transmission entre diplomatie, renseignement et enseignement.
Scott Modell : de dirigeant dans le renseignement à éducateur
Scott Modell a également parcouru une trajectoire impressionnante avant d’intégrer Georgetown. Figure de premier plan au sein de la communauté du renseignement américain, il a occupé des postes exécutifs clés au sein de la CIA, notamment dans les domaines de la collecte et de la gestion du renseignement. Ses responsabilités l’ont amené à superviser les opérations de renseignement stratégique à l’échelle globale et à intervenir dans la définition des politiques liées à la sécurité nationale.
Après avoir quitté ses fonctions actives, Modell a choisi de transmettre son savoir au travers de l’enseignement. À Georgetown, il a contribué à l’ancienne génération de professionnels en renseignement et sécurité, apportant une expérience pratique précieuse couplée à une vision stratégique importante. Son engagement académique renforce le rôle central de Georgetown dans la formation d’experts capables de comprendre et d’agir dans un environnement international de plus en plus complexe et instable.

Entre formation, influence et controverses
Au-delà de la transmission des savoirs, la présence de ces anciens agents de la CIA en milieu universitaire souligne à la fois l’importance de Georgetown comme vivier de talents destinés aux agences de sécurité et la complexité des liens entre sphères académiques et agences gouvernementales.
La CIA utilise Georgetown non seulement comme centre de formation, mais aussi comme plateforme d’influence où se croisent intellectuels, praticiens et décideurs. La collaboration est renforcée par des conférences conjointes, des ateliers et des opportunités de carrière offertes aux étudiants. Toutefois, certaines pratiques, telles que les financements non transparents ou le rôle que la CIA aurait joué dans certaines recherches à Georgetown, alimentent débats et controverses sur l’indépendance académique et l’éthique.
Présence française et débats sur la diversité des profils

Dans ce contexte, la présence de figures françaises comme Benjamin Haddad, directeur du programme Europe à l’École de service extérieur (partenaire de Georgetown), ou Rokaya Diallo, spécialiste des questions sociales et culturelles, pose une perspective intéressante sur la diversité des profils que l’université attire et forme. Leur participation active à Georgetown souligne l’attractivité internationale de cette institution et la complexification des réseaux transatlantiques en matière de formation en relations internationales et sécurité.
