La torture : arme de guerre britannique au Kenya.

L’emploi de la torture par l’armée britannique au Kenya, durant la révolte des Mau Mau (1952-1960), constitue l’un des épisodes les plus sombres de l’histoire coloniale britannique en Afrique de l’Est. Cette insurrection, menée principalement par des membres de l’ethnie kikuyu, visait à mettre fin à la domination coloniale et à revendiquer la restitution des terres spoliées par les colons blancs. La réponse du pouvoir colonial fut d’une extrême brutalité, marquée par une répression systématique et l’usage massif de la torture.

Contexte et déclenchement de la répression

Face à une révolte pourtant peu structurée et relativement limitée en moyens – les Mau Mau ne comptaient que quelques milliers de combattants et n’ont tué qu’une trentaine de colons blancs durant toute la période –, les autorités britanniques décrètent l’état d’urgence en 1952. S’ensuit une politique de terreur visant à écraser toute velléité de contestation. Plus de 10 000 Mau Mau sont tués, souvent torturés ou exécutés sans procès, tandis que 160 000 Kényans sont internés dans des camps aux conditions de vie effroyables.

Pratiques de torture et conditions de détention

Les témoignages des survivants et les travaux d’historiens révèlent l’ampleur et la systématicité des violences infligées. Les prisonniers, hommes et femmes, étaient soumis à des passages à tabac, des séances de torture physique et psychologique, allant jusqu’à la castration, les brûlures, les viols et les exécutions sommaires. Les camps de détention, parfois qualifiés de « camps de concentration », étaient des lieux de souffrances extrêmes : privation de nourriture, promiscuité, maladies, absence totale de droits. Selon l’historienne Caroline Elkins, jusqu’à 320 000 personnes auraient été internées dans ces camps.

Silence, déni et reconnaissance tardive

Longtemps, le Royaume-Uni a nié ou minimisé sa responsabilité dans ces exactions, allant jusqu’à détruire ou dissimuler des archives compromettantes. Ce n’est qu’en 2013, à la suite d’une action en justice menée par des survivants Mau Mau, que le gouvernement britannique a officiellement reconnu les actes de torture et de mauvais traitements infligés par son administration coloniale. Une indemnisation de plus de 20 millions de livres a été versée à environ 5 000 victimes, mais de nombreux anciens combattants et civils, notamment ceux qui n’avaient pas pu prouver médicalement les séquelles de la torture, n’ont jamais été indemnisés.

Conséquences et mémoire

Les séquelles de cette période sont encore vives au Kenya. Nombre d’anciens Mau Mau vivent dans la pauvreté, marginalisés par un État qui, après l’indépendance, a longtemps continué à les considérer comme des « terroristes » plutôt que comme des héros de la libération. Ce n’est qu’au début des années 2000 que leur rôle dans l’indépendance a commencé à être officiellement reconnu, avec l’érection de monuments et la réhabilitation de certains chefs historiques.

La répression britannique au Kenya, fondée sur la torture et la terreur, a durablement marqué les mémoires et reste un sujet de débat et de demande de justice, tant au Kenya qu’au Royaume-Uni. La reconnaissance officielle, bien que tardive, ne saurait effacer la réalité des souffrances endurées par des dizaines de milliers de Kényans, dont les cicatrices physiques et psychologiques témoignent encore aujourd’hui de la violence de la domination coloniale.

source: https://www.bbc.com/afrique/region/2012/07/120717_maumau_londres

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Retour en haut