Le grand-père de Trump a fait fortune grâce à ses bordels.

Frederick Trump.

L’histoire de Frédérick (ou Friedrich) Trump (1869-1918), grand-père de Donald Trump, illustre à la fois l’histoire de l’immigration allemande aux États-Unis et la façon dont les fortunes familiales américaines se sont parfois constituées à partir d’activités jugées marginales ou sulfureuses. Arrivé adolescent dans le Nouveau Monde pour fuir la misère de son Palatinat natal, ce barbier sans capital ni éducation supérieure sut exploiter les opportunités de l’Ouest en pleine expansion. L’un de ses premiers domaines d’activité fut la gestion de saloons et de maisons de prostitution, à une époque où le brassage humain des rues vers l’or et l’expansion frontale créait une demande insatiable pour la boisson, le jeu et les bordels.

L’immigrant sans fortune

Friedrich Trump est né en 1869 à Kallstadt, dans le royaume de Bavière. Orphelin de père dès l’âge de 7 ans, il quitte le village à 16 ans pour chercher une meilleure vie aux États-Unis. Comme tant d’autres jeunes Allemands, il rejoignit une diaspora en plein essor : les immigrants germaniques, nombreux à New York et dans les régions minières, composaient une main-d’œuvre bon marché, mais également entrepreneure. Sans qualification particulière, Frédérick se forme comme barbier, métier alors lié aux salons masculins et à une économie de services où l’on pouvait rapidement passer du rasoir au comptoir.

Du barbier au tavernier

Dans les années 1890, Trump fait ses premiers profits en ouvrant un restaurant-taverne à Seattle, au 208 Washington Street, un quartier peu fréquenté de ce port du Pacifique. L’établissement, situé au cœur d’un secteur réputé pour ses « crèches » — petites chambres de prostitution — offre aux travailleurs et aux prospecteurs un mélange de restauration, d’alcool et d’accès discret aux prostituées. La presse locale décrivait ces lieux comme des « maisons désordonnées », soulignant l’ambiguïté entre saloon et maison close. Trump n’inventa rien : il s’inscrivit dans l’économie typique des villes champignons où l’or et le bois attireraient une population masculine en surnombre. Là où il y avait des mineurs, des soldats ou des bûcherons, il y avait immédiatement des cabarets et de la prostitution.

Le port de Seattle au début du XXe siècle.

La rue vers l’or du Klondike

L’événement décisif survient en 1897, avec la rue vers l’or du Klondike, en Alaska et au Yukon canadien. Plutôt que de lui-même l’or, Friedrich Trump fit ce que nombre d’hommes d’affaires plus avisés que les prospecteurs entreprerent : fournir les services aux chercheurs d’or. Il s’associe avec un partenaire, Ernest Levin, et monte d’abord un restaurant-saloon à Bennett, étape clé où les aventuriers s’équipaient avant de franchir la terrible passe de Chilkoot. Le succès est immédiat : nourriture copieuse, alcool fort et surtout chambres louées à la nuit, souvent avec « accompagnement féminin ». Dans un climat glacé où règnent fatigue, isolement et sexualité comprimée, les prostituées constituaient un débouché commercial central.

Son « Arctic Hotel » de Bennett devient rapidement célèbre, présenté comme un établissement à trois étages, avec un restaurant au rez-de-chaussée, un bar et, à l’étage, ce que les récits d’époque décrivaient diplomatiquement comme « chambres pour dames ». Les mémoires et rapports municipaux du Yukon mentionnaient régulièrement que l’hôtel combinait hébergement et prostitution. Plus loin, à Whitehorse, Trump exploite encore un autre hôtel-saloon au même modèle, avant de revendre ses affaires pour rentrer à New York, fortune faite.

L’accumulation primitive d’un capital

Cette stratégie correspond exactement à ce qu’un historien marxiste qualifierait d’« accumulation primitive » : à une époque de désordre juridique et de vacance des autorités, les marges d’enrichissement étaient larges pour qui osait exploiter les besoins primaires — nourriture, boisson, sexe, repos. Loin d’une figure de pionnier idéalisé, Frédérick Trump profite d’une zone grise entre la légalité et le vice. Ses dollars provenaient moins du travail productif que de la captation d’une rente sur la sueur et les espoirs des prospecteurs. La prostitution, illégale mais tolérée tant qu’elle abondait le flux économique d’une communauté naissante, fut l’un des moteurs de cette première fortune familiale.

Héritage et transformation

En 1901, Trump ramène son capital à New York, s’installe dans le Queens et devient entrepreneur immobilier. Il n’investit plus dans les maisons fermées, mais dans des logements destinés à la classe moyenne new-yorkaise. En deux décennies, il pose les bases de l’empire immobilier qui sera ensuite développé par son fils Fred C. Trump, dans le Brooklyn des années 1930-1950, puis mondialisé sous des formes plus spectaculaires par Donald Trump au tournant du XXIe siècle. Mais le socle initial, issu des bordels de la frontière nord-ouest, demeure inscrit dans les archives.

Acte de naturalisation américaine du grand-père de Donald Trump.

L’allégorie de Deadwood

Pour saisir l’atmosphère de ces villes surgissant du néant autour des mines et des routes commerciales, rien ne traduit mieux l’esprit que la série télévisée 
Deadwood , qui restitue la violence, les compromis politiques et la centralité des bordels dans ces bourgades. Dans la fiction comme dans la réalité, les saloons-bordels symbolisaient l’affrontement de deux logiques incarnées par les forces politiques nationales : l’un tenant lieu d’allégorie des Républicains, l’autre des Démocrates. Ces établissements mêlaient ivresse, commerce sexuel et alliances politiques, révélant la place paradoxale du vice institutionnalisé dans les fondations de l’ordre américain. Trump ne fut qu’un acteur parmi d’autres de cette scène, mais son habileté à convertir les marges du désordre en capital stable lui donna un avantage décisif.

Deadwood, actuellement, dont l’histoire inspira la série TV éponyme.

L’itinéraire de Frédérick Trump démontre que la fortune de la dynastie présidentielle américaine ne s’érigea pas par la seule vertu du travail et de la spéculation immobilière raffinée, mais par une accumulation primitive adossée à la prostitution et au commerce de l’alcool dans l’Ouest sauvage. Ce passé, souvent minimisé voire occulté dans les biographies officielles, éclaire la continuité entre l’économie de frontière, l’exploitation de la demande humaine, la plus brute et la fondation des empires capitalistes modernes.

1 réflexion sur “Le grand-père de Trump a fait fortune grâce à ses bordels.”

  1. Ah, Frédérick Trump ! Quelle belle histoire dentrepreneuriat dans les zones grises du début du XXe siècle. Mon grand-père, sans doute, aurait approuvé son accumulation primitive, nest-ce pas ? Convertir la sueur et les espoirs des prospecteurs en dollars, même si cela passait par les chambres pour dames ou les maisons désordonnées de Seattle et du Yukon. Cest drôle à voir ce socle initial, issu des bordels de la frontière nord-ouest, qui finit par former lempire immobilier de la famille. On apprend quelque chose de nouveau tous les jours, surtout sur les sources de revenus obscures des grandes fortunes américaines !

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