Le napalm a été utilisé massivement en Grèce.

La guerre civile grecque (1946-1949) demeure un épisode tragique et souvent méconnu de l’histoire européenne du XXe siècle. Ce conflit, qui opposa les forces gouvernementales royales soutenues par le Royaume-Uni puis les États-Unis, aux partisans communistes du DSE (Armée démocratique de Grèce), fut marqué par une violence extrême, des répressions massives et l’introduction d’armes nouvelles et dévastatrices, dont le napalm. L’implication des États-Unis dans l’utilisation du napalm en Grèce, bien que rarement évoquée, illustre la logique de la guerre froide et la volonté américaine de contenir l’expansion communiste à tout prix.

Le contexte de l’intervention américaine

À la sortie de la Seconde Guerre mondiale, la Grèce, ruinée et divisée, devient le théâtre d’un affrontement idéologique majeur. Les Britanniques, incapables de poursuivre leur soutien financier et militaire au gouvernement royaliste, passent le relais aux États-Unis en 1947. Cette transition marque le début de la doctrine Truman, qui fait de la Grèce un laboratoire de la lutte anticommuniste mondiale. Les États-Unis fournissent alors une aide massive : armes, équipements, conseillers militaires et, surtout, une stratégie de guerre totale contre les insurgés communistes.

L’introduction du napalm dans le conflit grec

Le napalm, arme incendiaire développée aux États-Unis pendant la Seconde Guerre mondiale, est utilisé pour la première fois de façon systématique lors de la guerre civile grecque. Dès 1948, lors des batailles décisives dans les montagnes du Grammos et du Vitsi, la Royal Hellenic Air Force (RHAF) emploie des bombes au napalm fournies par les États-Unis contre les positions fortifiées du DSE. L’objectif est clair : anéantir la résistance communiste retranchée dans des zones difficiles d’accès, au prix de destructions massives et de pertes humaines considérables.

Contrairement à une idée reçue, ce ne sont pas des pilotes américains qui larguent le napalm sur les villages ou les positions communistes, mais bien l’aviation grecque, utilisant du matériel et des munitions fournis par les États-Unis dans le cadre de l’American Mission to Aid Greece (AMAG).

Le napalm, par son pouvoir destructeur et sa capacité à terroriser les combattants comme les populations civiles, devient un instrument central de la stratégie contre-insurrectionnelle.

Conséquences humaines et matérielles

L’usage massif du napalm en Grèce a des conséquences dramatiques. Les bombardements au napalm, notamment lors de l’ultime offensive de l’été 1949, provoquent des pertes terribles parmi les combattants du DSE, mais aussi parmi les civils vivant dans les zones de combat ou suspectés de soutenir la guérilla8. Le napalm ne fait pas de distinction : il brûle, détruit, traumatise. De nombreux témoignages évoquent des villages entiers incendiés, des populations déplacées, des survivants marqués à vie par les brûlures et la terreur.

La responsabilité des États-Unis

La responsabilité des États-Unis dans l’emploi du napalm en Grèce est indéniable, même si l’exécution matérielle des bombardements revient à l’aviation grecque. Washington fournit non seulement la technologie et les stocks de napalm, mais supervise également la planification stratégique et la conduite des opérations militaires à travers ses missions de conseil et d’assistance. Cette implication s’inscrit dans une logique de guerre par procuration, typique des débuts de la guerre froide, où les États-Unis n’hésitent pas à recourir à des moyens extrêmes pour empêcher la victoire communiste, quitte à cautionner l’usage d’armes controversées contre des populations civiles.

Un épisode méconnu et occulté

L’emploi du napalm en Grèce reste largement absent des récits officiels et des mémoires collectives, éclipsé par les usages ultérieurs en Corée ou au Vietnam. Pourtant, la Grèce fut le premier terrain d’expérimentation de cette arme dans un contexte de guerre civile et de lutte anticommuniste. Cette occultation s’explique par la volonté des États-Unis et de leurs alliés de minimiser les aspects les plus sombres de leur intervention, mais aussi par le traumatisme durable laissé dans la société grecque.

L’utilisation massive du napalm en Grèce, facilitée et encouragée par les États-Unis, constitue un épisode emblématique de la brutalité de la guerre froide naissante. Elle révèle la détermination américaine à écraser toute tentative de révolution communiste, quitte à recourir à des méthodes destructrices et à assumer une responsabilité morale et politique lourde. Cet épisode, longtemps occulté, mérite d’être reconnu comme un jalon essentiel de l’histoire contemporaine, à la fois pour comprendre la genèse des conflits de la guerre froide et pour rappeler les conséquences humaines des choix stratégiques des grandes puissances.

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