Les fake-news de l’OTAN : le bombardement de Benghazi par Kadhafi

En mars 2011, alors que la Libye s’enfonce dans la guerre civile, la communauté internationale justifie l’instauration d’une zone d’exclusion aérienne par la nécessité d’empêcher un massacre annoncé à Benghazi, fief de l’insurrection contre le régime de Mouammar Kadhafi. Cette intervention militaire, menée sous l’égide de l’OTAN, repose sur l’idée que l’armée libyenne s’apprête à commettre un bain de sang contre la population civile. Pourtant, de nombreux éléments, dont les analyses de Rony Brauman et d’autres observateurs indépendants, remettent en cause la réalité de cette menace et dénoncent une manipulation de l’information.

Le récit officiel et la décision d’intervention

Le 17 mars 2011, le Conseil de sécurité de l’ONU adopte la résolution 1973, autorisant « toutes les mesures nécessaires » pour protéger les civils libyens, y compris l’établissement d’une zone d’exclusion aérienne. Les jours précédents, les médias internationaux et plusieurs dirigeants occidentaux affirment que Kadhafi s’apprête à lancer une offensive décisive sur Benghazi. Le président français Nicolas Sarkozy, le Premier ministre britannique David Cameron et le président américain Barack Obama évoquent la possibilité d’un massacre imminent, certains allant jusqu’à parler de « génocide ».

L’absence de preuves et la critique de Rony Brauman

Rony Brauman, ancien président de Médecins sans frontières, fait partie des rares voix à contester ce récit dominant. Dans plusieurs interviews et tribunes, il explique avoir initialement cru à la nécessité d’une intervention humanitaire, avant de constater l’absence de preuves tangibles d’un massacre en préparation. Il souligne notamment :

« Personne n’a été capable de montrer les tanks qui se dirigeaient prétendument sur Benghazi. Or, une colonne de chars, à l’époque des téléphones mobiles et des satellites, ça se photographie. D’ailleurs, s’il a suffi de détruire quatre tanks en un raid aérien pour briser ladite offensive, c’est bien que cette colonne, dont on n’a plus entendu parler par la suite, n’existait pas ! »

Brauman critique également la surévaluation du nombre de victimes avancé par le Conseil national de transition libyen (CNT), qui parlait de 6 000 morts dès février 2011. Les enquêtes ultérieures d’Amnesty International et de Human Rights Watch n’ont pas confirmé ces chiffres, concluant à un nombre de victimes bien inférieur.

La manipulation médiatique et le rôle d’Al Jazeera

La couverture médiatique de la crise libyenne a joué un rôle central dans la construction du récit d’un massacre imminent. Al Jazeera, chaîne influente dans le monde arabe, a notamment diffusé des images présentées comme des attaques aériennes contre des manifestants à Tripoli. Or, il s’est avéré que ces images provenaient en réalité d’Irak, datant de l’invasion américaine de 2003. Brauman dénonce explicitement cette manipulation :

« Quant aux attaques aériennes sur les manifestants de Tripoli, il s’agit d’une invention d’Al Jazeera. »

D’autres médias, comme CNN ou BBC, ont également relayé des informations non vérifiées, contribuant à la montée de l’émotion internationale et à la pression pour une intervention rapide.

L’absence d’images et la question des preuves

Un autre élément troublant est l’absence d’images authentiques du prétendu bombardement de Benghazi ou de la colonne de blindés censée menacer la ville. À une époque où la quasi-totalité des conflits sont abondamment documentés par des vidéos amateurs, des images satellites ou des reporters sur le terrain, ce manque de preuves visuelles interroge. Les rares images diffusées montrent quelques véhicules détruits, mais rien qui atteste d’une offensive massive ou d’un massacre en cours.

Les analyses indépendantes et les conséquences

Des enquêtes menées après l’intervention, notamment par le Parlement britannique (rapport de la commission des Affaires étrangères, 2016), ont conclu que la menace d’un massacre à Benghazi avait été largement exagérée. Le rapport souligne que les forces de Kadhafi avaient repris d’autres villes auparavant sans commettre de massacres de masse, et que les preuves d’un génocide imminent faisaient défaut.

De nombreux analystes estiment que la dramatisation de la situation à Benghazi a servi de prétexte à une intervention dont les véritables objectifs étaient aussi géopolitiques : renverser Kadhafi et remodeler l’équilibre régional. L’argument humanitaire a permis de rallier l’opinion publique et de légitimer une opération militaire qui a, par la suite, plongé la Libye dans le chaos.

Le « faux bombardement de Benghazi » illustre la manière dont des informations non vérifiées, amplifiées par des médias influents et des responsables politiques, peuvent servir de déclencheur à une intervention militaire majeure. Les déclarations de Rony Brauman, l’absence d’images authentiques et la manipulation d’Al Jazeera, utilisant des images d’Irak pour illustrer la situation libyenne, montrent qu’une partie du récit ayant justifié la zone d’exclusion aérienne reposait sur des bases fragiles, voire fallacieuses. Cette affaire interroge sur la responsabilité des médias et des décideurs dans la fabrication du consentement à la guerre

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