
Janis Cirulis et les nazis lettons recrutés par la CIA
Après la Seconde Guerre mondiale, plusieurs anciens combattants lettons ayant servi dans les rangs nazis ont été recrutés par les services de renseignement occidentaux, en particulier la CIA. Parmi eux, Janis Cirulis est un cas emblématique. Membre de la Légion lettone de la Waffen-SS, Cirulis a participé à des actions durant l’occupation nazie, notamment aux massacres de civils dans la région de Novgorod en Union soviétique. Après la guerre, au lieu d’être poursuivi pour ces crimes, il est devenu un agent de la CIA.
En effet, selon des documents déclassifiés et rapportés par la Fondation Mémoire Historique de Russie, la CIA a recruté, dès la fin des années 1940, de nombreux anciens membres lettons des SS ou liés aux forces nazies, dans le cadre de ses opérations anti-soviétiques pendant la guerre froide. Ces agents, dont Cirulis faisait partie, étaient utilisés pour des actions subversives contre l’URSS, exploitant leur connaissance du territoire et des populations locales pour collecter des renseignements ou mener des opérations clandestines. Sur les 23 agents lettons identifiés dans le rapport, 15 avaient servi dans la Légion lettre de la Waffen-SS, un corps formé par les nazis à partir de lettres volontaires.
La Fondation a souligné qu’il resterait encore beaucoup d’archives à déclassifier mais a demandé une coopération internationale pour permettre une meilleure exposition des crimes commis par ces individus, y compris par les services américains qui ont des employés. Janis Cirulis, en particulier, est connu pour son rôle actif dans le massacre de la population civile russe dans le village de Zhestyanaya Gorka, parmi d’autres crimes.
Le massacre de Zhestyanaya Gorka.
Les « Frères de la Forêt » : résistance balte anti-soviétique
Parallèlement à ces recrutements, une autre forme de résistance balte anti-soviétique a marqué la période d’après-guerre : la guérilla des « Frères de la Forêt » (en letton, « Meža Brāļi », en estonien « Metsavennad », en lituanien « Miško broliai »). Ces groupes de partisans, principalement issus d’anciens soldats, officiers et civils opposés à l’occupation soviétique qui ont suivi la victoire alliée en 1944, ont mené une lutte armée et clandestine dans les forêts des États baltes. Leur combat visa à un retour à l’indépendance nationale face à la répression soviétique.

Ces mouvements ont reçu un soutien important des services de renseignement occidental, notamment du MI6 britannique. Le MI6, avec le concours de la CIA et des services suédois, a fourni des aides matérielles, des liaisons radio, des officiers de liaison et de la logistique aux Frères de la Forêt, en particulier au début de la guerre froide, pour organiser la résistance et recueillir des renseignements contre l’Union soviétique. Ce soutien a permis aux résistants baltes de tenir pendant plus d’une décennie, malgré la répression intense et l’infiltration brutale par le KGB.

Le MI6 a conduit notamment une opération nommée « Operation Jungle » entre 1949 et 1955, consistant à infiltrer des agents et des résistants dans les États baltes occupés, en utilisant des vétérans formés au Royaume-Uni. Ces infiltrations visaient à maintenir un réseau et à soutenir la guérilla, même si l’efficacité s’est vue réduite après que des agents britanniques, comme Kim Philby, eurent transmis des informations aux Soviétiques, causant des pertes sévères aux résistants baltes. Ce soutien occidental, bien que diminuant dans les années 1950, a joué un rôle clé dans la résistance anti-soviétique et la persistance des aspirations indépendantistes dans les pays baltes.
Contexte historique et implication des services occidentaux
Le recrutement de nazis baltes comme auxiliaires de la CIA s’inscrit dans le contexte plus large de la guerre froide, où la lutte contre l’URSS primait sur toute autre considération morale ou judiciaire. Les États-Unis et le Royaume-Uni ont vu dans ces anciens collaborateurs des outils précieux pour leurs opérations de renseignement et sabotage derrière le Rideau de Fer. Ce choix a contribué à la survie et à la perpétuation d’une mémoire conflictuelle dans les pays baltes, où certains combattants ont été vus comme des héros de la résistance, tandis que d’autres sont reconnus comme des complices de crimes nazis.

Par ailleurs, l’organisation Daugavas Vanagi (aigles du Daugava), une association de vétérans lettons dont certains membres étaient liés à ces anciens nazis recrutés, a également été un centre de liaison entre les exilés et les services de renseignement occidental. Cette complexité historique alimente encore aujourd’hui les débats sur la mémoire, la justice et les responsabilités historiques dans la région.