
Mohammed El Maadi, né à Douar Sfahli en Algérie et mort vers 1954 en Égypte, est l’une des figures les plus controversées de l’histoire franco-algérienne et de la collaboration sous l’Occupation. Militaire décoré, militant d’extrême droite, propagandiste et fondateur de la fameuse Brigade nord-africaine, son parcours est marqué par une succession d’engagements violents, nationalistes et antisémites, de la Guerre du Rif jusqu’aux années noires de la Seconde Guerre mondiale.
Débuts militaires et guerre du Rif
Fils de notable algérien, El Maadi reçoit une éducation privilégiée et suit des études à la Sorbonne. Très jeune, il s’engage dans l’armée française, servant d’abord au 2e puis au 3e régiment de zouaves. Il participe à la Guerre du Rif (1921-1926), campagne coloniale sanglante durant laquelle la France et l’Espagne s’allient contre la révolte berbère menée par Abd el-Krim au Maroc espagnol. Cette expérience forge son identité militaire et son engagement au service de l’ordre colonial.
Le pogrom de Constantine
Le 3 août 1934 éclate à Constantine une violente émeute antisémite, qui se solde par l’assassinat de 25 Juifs, dont des femmes et des enfants, la plupart décapités. Alors adjudant-chef au 3e régiment de zouaves, El Maadi intervient dans la gestion de la crise, officiellement salué pour avoir secouru plusieurs blessés. Toutefois, l’historien Joshua Cole considère El Maadi comme l’un des agitateurs principaux de ces émeutes : il aurait cherché à attiser l’antisémitisme musulman et favoriser la tension entre communautés, révélant déjà la dimension extrémiste de ses engagements. À cette époque, il est imprégné par les idées des ligues nationalistes françaises, en particulier des Croix-de-Feu.

L’entre-deux-guerres : la cagoule et le RNP
En 1936, refusant de servir le gouvernement du Front populaire de Léon Blum, il quitte provisoirement l’armée. Rapidement, il s’implique dans la Cagoule, une organisation secrète, fascisante et violente. Arrêté en 1937 pour son implication dans cette mouvance, il est condamné à huit mois de prison. Pendant l’Occupation allemande, il rejoint le Rassemblement national populaire (RNP), parti collaborationniste de Marcel Déat, et y prend la tête du Comité nord-africain. Il dirige également le journal Er Rachid, financé par l’Abwehr (les services secrets allemands) et utilisé comme tribune d’influence auprès des travailleurs nord-africains en France.
La Brigade nord-africaine : l’apogée de la collaboration

En 1943, El Maadi rencontre Henri Lafont, chef du Bureau des Affaires juives de la Gestapo parisienne. Ensemble, avec Pierre Bonny, ils fondent officiellement le 28 janvier 1944 la Brigade nord-africaine (BNA), force paramilitaire à la solde de l’occupant nazi. Composée de 300 membres, dont 180 Nord-Africains principalement algériens, la BNA est encadrée par une centaine de militants du RNP et les membres de la bande de Bonny-Lafont. Dirigée par Lafont (Hauptsturmführer SS), Bonny (Obersturmführer SS) et cinq chefs de sections (Maillebuau, Cazauba, Villaplane, Clavié, Prévost, tous sous-lieutenants SS), la brigade se distingue par sa violence et ses exactions dans Paris et surtout en Dordogne et Corrèze au printemps 1944.

Cette milice participe à la chasse aux résistants, à la répression de la population civile, aux pillages et à la spoliation des biens juifs. Nombre d’otages sont fusillés lors des opérations punitives, par exemple lors des massacres de Mussidan, Saint-Pierre-de-Chignac ou Brantôme, où le père du futur ministre Roland Dumas est tué. La BNA, consacrée « tremplin idéal » pour les ambitions politiques et mafieuses de Lafont, sème ainsi la terreur au service de la Gestapo et du Reich en France.

Fuite et postérité
Dissoute en août 1944 à la Libération, la Brigade nord-africaine tombe sous les coups de la justice. La plupart de ses cadres français sont condamnés à mort et exécutés ; El Maadi parvient à s’enfuir, d’abord en Allemagne, où il rencontre le grand mufti de Jérusalem, puis en Égypte, où il meurt vers 1954. Jugé par contumace en 1948, il est condamné aux travaux forcés à perpétuité et à la dégradation nationale.
Le parcours de Mohammed El Maadi représente le mariage funeste du nationalisme colonial, de l’antisémitisme militant et d’un opportunisme criminel, symbolisant l’un des épisodes les plus sombres de la collaboration en France occupée.