
L’ascendance familiale d’Ursula von der Leyen illustre de manière saisissante la continuité des élites transatlantiques, entre pouvoir politique européen et héritage esclavagiste américain. Deux aspects majeurs de sa généalogie méritent une attention particulière : l’implication de son père, Ernst Albrecht, dans des affaires controversées au sein de la haute administration européenne, et la filiation maternelle avec la famille Ladson, esclavagistes et grands propriétaires terriens aux États-Unis.
Ernst Albrecht, la Commission européenne et le scandale Celle Loch
Le père d’Ursula von der Leyen, Ernst Albrecht, fut l’un des premiers hauts fonctionnaires européens, travaillant dès 1958 à la Commission européenne, au sein de l’équipe fondatrice dirigée par Walter Hallstein. Il occupa notamment le poste de chef de cabinet auprès du commissaire européen à la Concurrence, puis celui de directeur général de la concurrence. Cette proximité avec Hallstein, figure majeure de la construction européenne, place Albrecht au cœur de la technocratie bruxelloise dès ses origines.
Après son retour en Allemagne, Albrecht devint ministre-président de Basse-Saxe (1976-1990), mais sa carrière fut marquée par le scandale dit de « Celle Loch » (l’« affaire du trou de Celle »). En 1978, une explosion se produisit dans un mur de la prison de Celle, attribuée à la Fraction armée rouge (RAF). Il fut révélé plus tard que cette opération était en réalité une manipulation orchestrée par les services de renseignement ouest-allemands (le BND), dans le but de discréditer la gauche radicale et de justifier un durcissement sécuritaire. Ce type d’opération rappelle, par sa logique de « stratégie de la tension », les méthodes de l’opération Gladio, réseau clandestin de l’OTAN destiné à lutter contre l’influence communiste en Europe, parfois par des actions illégales ou de désinformation. Si le nom d’Albrecht apparaît dans la gestion politique de l’affaire Celle Loch, il n’a jamais été officiellement condamné, mais son rôle dans la dissimulation et l’exploitation politique de l’événement reste controversé. Ce passé éclaire le profil autoritaire et conservateur d’Albrecht, et le contexte dans lequel Ursula von der Leyen a grandi.
La lignée maternelle : la famille Ladson, esclavagistes de Caroline du Sud
Du côté maternel, Ursula von der Leyen descend de la famille Ladson, une dynastie de planteurs et de marchands esclavagistes installés en Caroline du Sud dès la fin du XVIIe siècle. John Ladson, quaker anglais, s’établit à Charleston en 1679, acquérant rapidement des terres et des esclaves, et intégrant l’élite politique locale. Les Ladson devinrent l’une des familles les plus influentes de la région, cumulant richesses et fonctions publiques : James Henry Ladson (1753-1812), ancêtre direct d’Ursula von der Leyen, fut lieutenant-gouverneur de Caroline du Sud, membre de l’Assemblée générale et sénateur de l’État. Lors de sa mort, il possédait plus de 100 esclaves et exploitait d’immenses plantations.
La fortune et l’ascension sociale des Ladson reposaient sur l’exploitation systématique des esclaves africains, dans le cadre d’un système économique et législatif qui fit de la Caroline du Sud l’un des bastions de l’aristocratie esclavagiste américaine. Le recensement de la famille Ladson à la veille de la guerre de Sécession fait état de plus de 200 esclaves détenus par James Ladson et ses descendants. Cette lignée s’est alliée à d’autres grandes familles de planteurs et de marchands, consolidant ainsi une position dominante dans la société coloniale puis états-unienne.
Une héritière de la haute bourgeoisie transatlantique
Ces deux héritages – technocratie européenne et aristocratie esclavagiste américaine – font d’Ursula von der Leyen une représentante exemplaire de la haute bourgeoisie transatlantique. Son parcours, marqué par des privilèges sociaux et une tradition familiale d’exercice du pouvoir, s’inscrit dans la continuité des élites qui ont façonné l’histoire politique et économique de l’Europe et des États-Unis.
Dans ce contexte, il n’est guère surprenant de la voir aujourd’hui défendre ou accepter des accords commerciaux déséquilibrés avec les États-Unis : elle perpétue une tradition où l’intérêt des grandes familles et des puissances économiques prime sur celui des peuples. Sa position à la tête de la Commission européenne, son attitude face aux lobbies industriels ou à la politique commerciale transatlantique, s’expliquent aussi par cette culture familiale de gestion du pouvoir, de connivences internationales et de préservation des intérêts de classe. Von der Leyen incarne ainsi la permanence d’une élite qui, de la plantation à la Commission, a toujours su s’adapter pour préserver ses privilèges et son influence.