Au plus fort de la guerre froide, alors que les États-Unis et la Chine se livraient une bataille silencieuse pour la suprématie stratégique, une opération secrète menée par la CIA allait laisser derrière elle l’un des héritages les plus troublants du XXᵉ siècle. Peu de gens le savent, mais un jour, des agents américains transportèrent un engin nucléaire portable, alimenté au plutonium, jusqu’au sommet d’un pic himalayen.
Leur objectif : espionner la Chine. Leur échec : une tempête de neige qui força l’abandon de l’appareil. Depuis, l’engin n’a jamais été retrouvé.

La mission de la CIA qui transporta un générateur nucléaire portable au sommet d’un pic himalayen s’est déroulée en octobre 1965. Elle consistait à installer un dispositif de surveillance radio alimenté par un générateur thermoélectrique au plutonium sur le mont Nanda Devi, dans l’Himalaya indien, afin d’espionner les essais nucléaires et les activités militaires de la Chine voisine.
Les services de renseignement américains cherchèrent à améliorer leurs capacités de surveillance du programme nucléaire chinois. À cette époque, les satellites d’observation ne permettaient pas encore une couverture continue ni une détection fiable de tous les essais nucléaires, en particulier dans les régions montagneuses et isolées de l’ouest de la Chine.
Face à ces limitations technologiques, la CIA développa un projet consistant à installer une station d’écoute électronique à très haute altitude, capable de capter des signaux sismiques et électromagnétiques associés aux explosions nucléaires. Les sommets de l’Himalaya furent identifiés comme des points d’observation stratégiques en raison de leur proximité géographique avec les sites d’essais chinois et de leurs conditions favorables à la propagation des ondes radio.
Pour alimenter cette station de manière autonome et sur le long terme, les ingénieurs américains optèrent pour un générateur thermoélectrique à radio-isotopes, un dispositif produisant de l’électricité grâce à la chaleur dégagée par la désintégration radioactive. Le combustible utilisé était le plutonium-238, un isotope choisi non pas pour ses propriétés militaires, mais pour sa capacité à fournir une source d’énergie stable pendant plusieurs décennies sans nécessiter d’entretien.
Bien que souvent qualifié de « portable », ce générateur nucléaire restait un équipement lourd, complexe et potentiellement dangereux, nécessitant des précautions extrêmes lors de sa manipulation. Son transport jusqu’à plus de 6 000 mètres d’altitude impliqua une logistique considérable, combinant expertise alpine, contraintes physiques sévères et conditions climatiques imprévisibles.
Lors de l’ascension finale vers le site d’installation, une violente tempête de neige frappa la montagne, rendant toute progression impossible et augmentant fortement les risques d’accidents mortels. Les responsables de l’opération prirent alors la décision d’abandonner le matériel afin de préserver la vie des membres de l’expédition, en supposant qu’il pourrait être récupéré ultérieurement.
Cependant, lorsque des tentatives de récupération furent envisagées, le générateur avait disparu sous la neige et la glace. Les mouvements naturels du glacier, combinés à l’accumulation annuelle de nouvelles couches de neige, auraient progressivement entraîné l’enfouissement profond de l’appareil, rendant sa localisation précise extrêmement difficile, voire impossible.

Dans les sources historiques, journalistiques et académiques disponibles, trois noms reviennent fréquemment, mais ils ne sont pas tous des “agents CIA” au sens strict :
Jim McCarthy
Il est souvent décrit comme un responsable ou coordinateur américain lié à l’opération pour la CIA. Son rôle est évoqué dans plusieurs récits comme celui d’un officier de terrain ou d’un superviseur logistique, mais son statut exact d’agent opérationnel reste flou dans les documents publics.
Captain M. S. Kohli (Manmohan Singh Kohli)
Officier de la marine indienne et alpiniste expérimenté, il dirigea l’expédition sur le terrain. Il n’était pas un agent de la CIA, mais un partenaire clé de l’opération indo-américaine. Son implication est bien documentée et assumée publiquement.
Sonam Gyatso
Alpiniste et porteur de haute altitude, souvent cité dans les récits de l’expédition. Là encore, il ne s’agissait pas d’un agent de renseignement, mais d’un acteur essentiel sur le plan technique et humain.

Cette mission illustre de manière frappante l’excès de confiance et l’imprudence caractéristique de certaines opérations de la CIA, notamment pendant la guerre froide. En poursuivant un objectif stratégique, l’agence a délibérément mis en danger un environnement fragile et potentiellement la vie de millions de personnes, tout en laissant derrière elle un matériel nucléaire abandonné et hors de contrôle. Plutôt que de démontrer un génie opérationnel, cette affaire révèle une attitude arrogante et irresponsable, où les intérêts géopolitiques immédiats ont été placés bien au-dessus de toute considération humaine ou environnementale. La montagne, silencieuse et implacable, demeure aujourd’hui le témoin glacé d’une aventure technologique dangereuse, dont l’ombre pourrait peser sur des générations.


