
Le néo-conservatisme est un courant politique né aux États-Unis à la fin des années 1960, dont la trajectoire oscille entre une origine intellectuelle marquée par l’héritage trotskyste (notamment chez Irving Kristol et Norman Podhoretz) et un engagement farouche en faveur du leadership américain sur la scène mondiale, souvent en opposition radicale à la Russie. Ce mouvement, d’abord restreint aux cercles d’intellectuels new-yorkais, s’est institutionnalisé et internationalisé, influençant aussi certains milieux intellectuels français autour de la revue « Le Meilleur des Mondes » et du Cercle de l’Oratoire.

Aux sources du néo-conservatisme
Le terme « néo-conservateur » apparaît dans les années 1970 pour désigner d’anciens intellectuels de gauche, juifs pour la plupart, déçus par le gauchisme post-1968 et le virage antiaméricain et antisioniste d’une grande partie de la gauche américaine. Irving Kristol, figure de proue du mouvement, se revendiquait clairement comme ancien trotskyste, tout comme Norman Podhoretz, rédacteur en chef du magazine Commentary (1960-1995). Leur positionnement initial combine une défense des valeurs occidentales, du libéralisme économique et une critique du relativisme culturel.

De l’anticommunisme à l’anti-russisme
À l’origine, le néo-conservatisme est profondément anticommuniste et hostile à toute forme de complaisance envers l’URSS, soutenant l’augmentation du budget militaire sous Reagan et la doctrine du « consensus moral » face à l’« empire du Mal ». Après la disparition du bloc soviétique, l’hostilité russophobe s’est maintenue, s’alimentant de la conviction que la Russie post-soviétique, sous Vladimir Poutine, renoue avec l’impérialisme, l’autoritarisme et représente toujours une menace pour les démocraties occidentales. Cette obsession antirusse est aujourd’hui flagrante dans les discours néoconservateurs, qui voient en Poutine le continuateur de la tradition tsariste et expansionniste soviétique, et militent activement contre toute forme d’accord ou de détente avec Moscou.
Principaux meneurs du mouvement
Parmi les personnalités majeures aux États-Unis, on retrouve :
- Irving Kristol , le « pape » du néo-conservatisme, enseignant, éditeur de The Public Interest , puis fondateur du think-tank Project for the New American Century.

- Norman Podhoretz , éditorialiste et rédacteur de Commentary, défenseur d’une ligne dure contre l’URSS et pour l’intervention militaire.

- Paul Wolfowitz et Richard Perle , architectes de la doctrine d’intervention au sein de l’administration Reagan puis Bush.
- William Kristol (fils d’Irving), éditeur du Weekly Standard , théoricien influent de l’exportation de la démocratie par la force.
- Robert Kagan , cofondateur du PNAC et promoteur de l’unilatéralisme américain.
- Charles Krauthammer , inventeur de la « doctrine Reagan » puis de la « doctrine Bush », s’est concentré sur l’interventionnisme au nom de la démocratie.
Jeane Kirkpatrick, Donald Kagan, Max Boot, Michael Ledeen, Francis Fukuyama , etc. Outre ces intellectuels, beaucoup d’acteurs politiques et stratégies gravitent dans la mouvance.
Quelques Français et la revue « Le Meilleur des Mondes »
La version hexagonale du néo-conservatisme s’est constituée autour du Cercle de l’Oratoire et de la revue Le Meilleur des Mondes (2006-2008). Ces milieux défendaient l’alliance transatlantique, la mondialisation, la guerre en Irak et une ligne résolution pro-américaine et pro-israélienne. Y sont intervenus des intellectuels comme :

- André Glucksmann,
- Romain Goupil ,
Romain Goupil en 2003 en bon petit soldat néo-cons.
- Michel Taubmann (directeur de la revue),
- Yves Roucaute ,
- Bernard-Henri Lévy ,
- Manuel Valls ,
- Raphaël Glucksmann .


On a pu également retrouver, à différents degrés, des personnalités comme Bernard Kouchner , Pierre-André Taguieff , ou encore des journalistes engagés dans la défense de l’interventionnisme occidental et la dénonciation de l’ennemi russe.

Les axes idéologiques principaux
Les idées-clés du néo-conservatisme sont :
- Refus du relativisme moral et exaltation de la clarté morale dans la politique étrangère.
- Nécessité d’ empêcher l’émergence de puissances rivales (notamment la Russie et la Chine).
- Défense intransigeante d’Israël , vu comme tête de pont démocratique au Moyen-Orient.
- Interventionnisme militaire assumé, soutien à la « démocratie par les bombes » si nécessaire.
- Promotion de la doctrine du « chaos créateur » (Michael Ledeen), c’est-à-dire la reconfiguration du Moyen-Orient au gré des intérêts américains et israéliens.
Déclin et rémanence
L’influence du néo-conservatisme a culminé sous George W. Bush (guerre d’Irak, remodelage du Grand Moyen-Orient), puis décliné après les « échecs » de l’Irak et de l’Afghanistan. Aujourd’hui, nombre de ses représentants sont hostiles à l’isolationnisme trumpiste et, paradoxalement, certains ont même soutenu Hillary Clinton, perçue comme garante d’une ligne interventionniste. Malgré ce reflux, le courant persiste dans les think tanks, la presse d’opinion et chez certains acteurs politiques, toujours déterminés à défendre la suprématie américaine et à dénoncer la Russie comme ennemi principal.
Le néo-conservatisme, né des cendres du trotskysme intellectuel américain, s’est maintenu à travers l’imbrication des milieux de la pensée et du pouvoir, propageant une défiance viscérale envers la Russie et inspirant jusque dans certains cercles français une vision intransigeante du monde, résolument alignée sur les intérêts américains et le rejet de tout compromis avec les « ennemis de la démocratie ».