
Hwang Dong-hyuk : Portrait d’un cinéaste engagé et visionnaire
Hwang Dong-hyuk , né le 26 mai 1971 à Séoul, est un réalisateur et scénariste sud-coréen qui s’est imposé comme l’une des figures les plus influentes du cinéma contemporain. Connu mondialement pour avoir créé la série phénomène Squid Game , cet artiste aux multiples talents a bâti sa carrière sur un engagement social profond et une capacité unique à transformer des histoires locales en récits universels.
Il a grandi dans la pauvreté à Ssangmun-dong, Séoul, élevé par une mère veuve dans un logement en partie souterraine. Cette expérience personnelle nourrira plus tard le personnage de Gi-hun dans Squid Game . Diplômé en journalisme de l’université nationale de Séoul,il a été initialement attiré par l’écriture mais se découvre une passion pour le cinéma dans les années 90 lorsque sa mère lui achète une caméra vidéo. Il a poursuivi ses études cinématographiques à l’Université de Californie du Sud (USC) à Los Angeles, où il remporta un Student Emmy pour son court-métrage de fin d’études « Miracle Mile » en 2004.

Silenced (2011) Le film qui a changé la société coréenne : Le film dénonce les abus sexuels commis sur des enfants sourds dans l’école Inhwa de Gwangju. L’impact du film dépasse largement le cadre artistique. Il provoque un tollé national qui conduit à la réouverture de l’enquête, à la fermeture définitive de l’école et à l’adoption de la « loi Dogani » qui supprime la prescription pour les victimes d’agressions sexuelles handicapées. Cette expérience confirme à Hwang le pouvoir du cinéma comme outil de changement social, une leçon qu’il appliquera plus tard avec Squid Game .
Ses films et séries fonctionnent comme des révélateurs des tensions contemporaines : inégalités économiques, corruption systémique, pression sociale, mais aussi résilience humaine et solidarité.
Squid Game Initialement conçu comme un long-métrage a été jugé « trop inhabituel, trop violent et pas assez commercial » par les producteurs coréens de l’époque. Ce n’est qu’une décennie plus tard que Netflix accepte de financer le projet, permettant à Hwang de développer son histoire en série. Comme il l’explique : « Grâce à Netflix, je n’ai eu aucune limite et j’ai joui d’une grande liberté créative » .
Les sources d’inspiration pour Squid Game
En 2008-2009, Hwang traverse une période financièrement difficile qui s’avéra cruciale pour la création de Squid Game . Lui, sa mère et sa grand-mère ont été contraints de contracter des prêts pour survivre pendant la crise économique. C’est durant cette période qu’il fréquentait assidûment les manhwabang (cafés de bandes dessinées coréennes), où il découvrit les mangas japonais qui allaient l’inspirer profondément. Comme l’explique Hwang : « J’ai lu beaucoup de bandes dessinées tournant autour de jeux de survie mortels. Des mangas comme Liar Game, Kaiji et Battle Royale » .
L’Inspiration de la Grève de Ssangyong Motor : En 2009, les ouvriers de Ssangyong Motors en Corée du Sud ont mené une grève de 77 jours pour protester contre des milliers de licenciements, occupant leur usine et faisant face à une violente répression policière, coupés d’eau et d’électricité. Malgré leur détermination et une mobilisation internationale, la grève s’est achevée par une défaite. De nombreux travailleurs ont été renvoyés et plusieurs ont été arrêtés, marquant la gravité de la crise sociale dans l’industrie automobile sud-coréenne.
Dans la série, le personnage de Gi-hun a travaillé chez « Dragon Motor » une référence transparente à Ssangyong qui signifie « double dragon » en coréen. Hwang explique : « En faisant référence aux licenciements de Ssangyong Motor, je voulais montrer que n’importe quel individu de la classe moyenne peut tomber au bas de l’échelle économique du jour au lendemain » .

Les Jeux d’Enfance Coréens : L’aspect le plus personnel de Squid Game réside dans le choix des jeux, tous issus de l’enfance coréenne de Hwang Dong-hyuk. Chaque jeu porte une signification particulière.
- « jeu des enveloppes » (ddakji) est le test initial où le recruteur propose au protagoniste de choisir une enveloppe rouge ou bleue en papier, puis de la lancer pour essayer de retourner celle de l’adversaire. À chaque échec, le joueur reçoit un gifle au lieu de payer sa dette, et s’il réussit, il gagne une somme d’argent. Ce jeu sert à tester la volonté des participants .
- « Un, deux, trois, soleil » ( Mugunghwa kkoci pieot seumnida ) utilise le nom de la rose de Sharon, fleur nationale coréenne.
- Le Dalgona (bonbon au sucre) était un jeu de rue populaire dans les années 1950-60, particulièrement apprécié quand le sucre était une denrée rare.
- Le jeu du calmar lui-était même, selon le créateur, « le jeu d’enfant le plus physiquement agressif auquel j’ai joué dans les ruelles du quartier quand j’étais enfant, c’est pourquoi je l’aimais le plus ».
En utilisant des jeux d’enfants comme cadre narratif , la série opère une régression symbolique vers l’innocence perdue. Cette métaphore de l’école transformée en machine à éliminer révèle comment nos sociétés détruisent l’innocence et la solidarité naturelle de l’enfance pour les remplacer par un système de compétition acharnée.

L’Esthétique des Élites : La série fait également référence au Bal Surréaliste des Rothschild de 1972, événement légendaire de l’élite mondiale où les invités portaient des masques d’animaux avec dans la série une représentation similaire pour les VIP.
Les VIP de Squid Game sont un groupe d’individus ultra-riches qui financent et regardent les jeux mortels pour leur divertissement. Portant des masques dorés en forme d’animaux (lion, taureau, cerf, tigre, etc.), ces milliardaires anonymes parient sur la vie des joueurs comme s’il s’agissait de chevaux de course. Ils représentent l’élite capitaliste qui voit les classes populaires comme des animaux de divertissement, leur présence symbolise la déshumanisation du système capitaliste et l’indifférence cruelle des ultra-riches face à la souffrance humaine.

Les messages et la morale de Squid Game
La série présente un système économique impitoyable où les plus vulnérables sont contraints de se battre pour survivre. Les 456 participants, tous criblés de dettes et en situation de précarité extrême, illustrent parfaitement cette réalité : un père ruiné, un déserteur de l’armée nord-coréenne, un migrant exploité. Comme l’explique le créateur : « Je voulais écrire une histoire qui soit une allégorie ou une fable sur la société capitaliste moderne » .
Cette critique va au-delà de la simple dénonciation de la pauvreté. Elle révèle comment le système pousse les individus à accepter des risques extrêmes face à l’absence d’alternatives viables. La série montre que « la vie est tout aussi horrible ici qu’en dehors » du jeu, illustrant l’illusion de liberté offerte par nos sociétés démocratiques.
La série révèle comment cette logique méritocratique, présentée comme juste, engendre en réalité des conséquences néfastes sur les liens sociaux . Les participants s’affrontent directement, créent des clans, et finissent par s’entretuer, illustrant comment la compétition individuelle détruit l’empathie et la coopération humaine.