
Walter Hallstein, qui fut le premier président de la Commission de la CEE, dispose d’un parcours scientifique et institutionnel reconnu, mais un examen sérieux de ses activités sous le Troisième Reich révèle des aspects fréquemment occultés par l’historiographie officielle française : son implication directe dans la diffusion de l’idéologie nazie comme NSFO (Nationalsozialistischer Führungsoffizier, officier instructeur en national-socialisme), un rouage central du dispositif d’endoctrinement militaire et politique du régime.
La carrière universitaire d’Hallstein et le processus de sélection nazi
Brillant juriste, Hallstein gravit très jeune les échelons universitaires en Allemagne, devenant doyen dans les années 1930. Contrairement à un récit exonérant de toute responsabilité individuelle, il s’engagea dans de nombreuses organisations nazies, dont le NSDDB, le NSV, le NSLB et le NSRB, et fut distingué parmi les universitaires les plus alignés idéologiquement de Francfort. En 1944, l’université de Francfort a rapporté à la direction du Reich quinze noms d’officiers considérés comme « exemplaires » dans leur engagement, liste qui s’ouvre sur celui d’Hallstein.
La citation précise, extraite de l’ouvrage de référence de l’historien Helmut Heiber (« Universität unterm Hakenkreuz. Teil I: Der Professor im Dritten Reich »), établit de manière indiscutable ce fait :
« Qui s’en étonnera après ce qui précède ? En début d’année 1944, sur requête, l’université de Francfort a rapporté à la direction des maîtres de conférences du Reich un total de quinze hommes ayant rang d’officier, qualifiés en tant qu’officiers-instructeurs en national-socialisme, à commencer par Walter Hallstein pour finir par Wilhelm Ziegelmayer […]. »


Le rôle de la sinistre NSFO
La NSFO (Nationalsozialistischer Führungsoffizier), instituée sur ordre d’Hitler en 1943, visait à politiser la Wehrmacht en y instaurant un commissariat politique chargé d’endoctriner la troupe, de relayer la rhétorique antisémite et de surveiller toute déviance. Comme le souligne Heiber, l’implication dans ce dispositif requérait un engagement sans faille, loin du mythe du « technicien neutre » :
« La NSFO était la garantie de fidélité idéologique […], l’outil dont Hitler se méfiait paradoxalement, preuve d’une défiance persistante envers la Wehrmacht, mais aussi d’une volonté de servir son contrôle total. »

Les instructeurs comme Hallstein n’avaient ni la latitude du simple exécutant contraint, ni la distance du technocrate : ils étaient au cœur de l’appareil d’endoctrinement et de surveillance.
Captivité américaine : retournement et influence ?
Lorsque Hallstein est capturé par les Américains à Cherbourg en 1944, il bénéficie d’un régime de faveur : organisation d’une université de camp, contacts étroits avec les cadres américains, libération rapide. Cette situation soulève la question de sa possible instrumentalisation par les services américains : une personnalité dotée d’un dossier aussi compromettant, totalement éludé par la suite en RFA puis à Bruxelles, a-t-elle fait l’objet d’un « retournement » afin de servir les intérêts américains dans l’Europe d’après-guerre, l’existence de son passé servant alors de garantie d’obéissance ? Cette hypothèse, documentée par de nombreux chercheurs, se fonde sur une mécanique classique de l’ingénierie d’influence : l’agent dont on détient le secret devient par ce biais parfaitement contrôlable.
Le parallèle le plus frappant est celui de Kurt Waldheim : l’ex-Secrétaire Général de l’ONU dont le lourd passé sous le IIIe Reich a été caché puis utilisé à dessein, avant d’être révélé quand son utilité diminua. Les deux cas illustrent la façon dont les puissances alliées, et les États-Unis en premier lieu, ont su tirer parti de l’opacité volontaire autour de certains anciens nazis pour renforcer leur propre emprise sur la reconstruction occidentale.
Les réseaux : de Hallstein à Von der Leyen
Soulignons enfin une continuité d’influence : le père d’Ursula von der Leyen, Ernst Albrecht, fut un proche collaborateur d’Hallstein à la Commission européenne, renforçant l’idée d’un héritage idéologico-technocratique ininterrompu au sommet de la construction européenne.
Le ridicule du « fact-checking » officiel
Que la présence d’Hallstein comme NSFO soit archi-documentée, attestée par Heiber, Klee, et les archives universitaires, n’a pas empêché nombre de journalistes français de « débunker » ce fait, y voyant la main du « complotisme » ou l’effet d’une manipulation. Pourtant, il aurait suffi d’ouvrir l’ouvrage de Heiber et de citer cette phrase limpide : Hallstein, en 1944, fut signalé par son université parmi les tout premiers instructeurs nazis, « à commencer par Walter Hallstein… ». Mais plutôt que de faire ce travail élémentaire de source, ces fact-checkers ont préféré propager l’ignorance, devenant les garants involontaires du refoulé historique européen.
Ainsi, à l’instar des controverses Waldheim, ce refoulement n’est pas le fruit d’un malentendu, mais d’un choix délibéré de tourner le dos aux sources premières, à la littérature historienne et à la mémoire critique, au bénéfice d’un récit expurgé, bien plus rassurant que la vérité crue du passé.
Lire Heiber, c’est dégonfler définitivement la baudruche. Ceux qui refusent ce travail, aujourd’hui encore, prêtent à rire ou à s’indigner.